Ventes de bois de gré à gré pour les scieries : quel bilan tirer en 2022 ?

Les ventes de gré à gré* ont été évoquées dans les médias comme l’une des pistes pour aider les scieries feuillues locales. Mais comment fonctionne le système ? En quoi est-il intéressant pour les scieries ? Et les communes sont-elles gagnantes à vendre du bois de la sorte ? Voici nos réponses. 

Pourquoi les scieries feuillues sont à la peine ? 

Depuis quelques années, les scieries feuillues belges tournent en moyenne à seulement 65 % de leur capacité. Une situation qui tend malheureusement à s’empirer. En effet, notre formidable ressource forestière feuillue subit la pression du marché international. Les arbres feuillus récoltés dans nos forêts sont de plus en plus souvent exportés par conteneur sans transformation locale. Malheureusement, certaines essences ne sont plus ou quasiment plus transformées chez nous vu la disparition des transformateurs et/ou des marchés locaux. 

Conclusion ? La ressource s’exporte alors que nous pourrions créer plus d’emplois locaux et ruraux ainsi que beaucoup plus de valeur ajoutée pour la collectivité en transformant cette ressource à l’échelle locale. 

Comment booster les approvisionnements des scieries locales ?  

L’une des solutions est de sensibiliser les propriétaires forestiers, qu’ils soient publics ou privés, pour qu’ils réservent une partie de leurs récoltes aux transformateurs locaux. Pour aider ses membres, la Confédération Belge du Bois a entrepris diverses initiatives en ce sens. Et visiblement, cela semble commencer à porter ses fruits au niveau des propriétaires publics. 

Concrètement, depuis 2014, le gouvernement wallon permet aux communes de réserver des bois feuillus (jusqu’à 15% du volume vendu annuellement) aux scieries locales (jusqu’à 30% de leur approvisionnement annuel) par le biais de ventes de gré à gré et ce pour des lots d’une valeur estimée maximale de 35.000 € (Arrêté du Gouvernement Wallon du 15 mai 2014). Clairement, cette piste ne va pas résoudre tous les problèmes. Toutefois, elle peut offrir une bouffée d’oxygène bien nécessaire pour sauver des emplois et maintenir une production locale. 

Le problème est que ce système est largement sous-exploité. Relativement peu de communes utilisent ce mécanisme pour soutenir les scieries feuillues locales. Suite à nos interpellations répétées et celles des membres de la Confédération Belge du Bois, davantage de conseils communaux ont voté des motions de soutien à la filière bois.  

Autre piste, favoriser les collaborations entre exploitants forestiers et scieries. De nombreux exploitants forestiers fournissent en effet en partie des scieries locales. La concurrence internationale devient néanmoins particulièrement compliquée pour les exploitants également. Signalons aussi que les scieurs peuvent mandater des exploitants forestiers pour participer aux ventes de gré à gré.   

Quel est le bilan des ventes de gré à gré en 2022 ? 

L’évolution des volumes de bois mis en vente de gré à gré par les communes pour les scieries est encourageante. En un an, les volumes ont doublé. Les chiffres pour le chêne sont passés de 3836 m³ en 2021 à 8131 m³ en 2022 (situation à fin juin 2022).  

“Cette progression constitue une belle amorce de courbe. Les décideurs politiques semblent avoir compris le sens et l’intérêt de notre démarche pour l’économie locale. C’est encourageant. Toutefois, nous sommes encore loin du résultat escompté. Rappelons que le système des ventes de gré à gré n’est utilisé qu’à environ 35% de son potentiel (15% du volume de bois feuillu de plus de 120 cm vendu en forêt publique wallonne, soit 21.000 m³) et que le ministre wallon de l’Économie ambitionne d’atteindre au moins les 70%”, déclare François De Meersman, Secrétaire général de la Confédération Belge du Bois. 

Par ailleurs, le chêne n’est récolté qu’à hauteur de 54 % de son accroissement en forêt publique wallonne, ce qui laisse de la marge aux propriétaires pour vendre des volumes supplémentaires. N’oublions pas qu’il était initialement prévu que des volumes supplémentaires soient mis sur le marché pour tendre vers un niveau de récolte de la ressource feuillue en forêt publique wallonne plus proche de l’accroissement et ainsi mieux tirer profit du potentiel de stockage de carbone. Or, il semblerait que les volumes de chêne vendus en forêt publique wallonne soient à la baisse ces dernières années ! Il y a donc encore de la marge… Etonnant également alors qu’un des objectifs de mise en place d’un parc à grumes en Wallonie était de créer une vitrine pour le bois wallon et donc de motiver les agents du DNF à mettre plus de bois sur le marché. 

Pourquoi certaines communes sont-elles encore réticentes vis-à-vis des ventes de gré à gré ? 

Pour Maxime Léonet, bourgmestre de Daverdisse et adepte du système depuis la première heure, l’explication relève d’une perception erronée du système. “C’est parfois irrationnel ou peu objectif. Beaucoup croient encore que ce mode de vente de bois rapporte moins. C’est faux ! Les freins administratifs et organisationnels sont d’autres excuses faciles qui peuvent être contournées avec un minimum de bonne volonté”, dit-il. 

Les ventes de gré à gré sont-elles intéressantes pour les communes ? 

Récemment, l’Office Economique Wallon du Bois (OEWB) a analysé les résultats des dernières ventes de bois. La conclusion va en surprendre plus d’un. “Lors des ventes de printemps 2022, les lots vendus aux scieurs sont partis plus cher que les bois vendus en adjudication publique en automne 2021 ! Lorsque les lots sont conçus pour répondre aux besoins des scieries, les scieries mettent le prix et achètent plus cher”, explique François Deneufbourg, responsable Développement à l’OEWB.  

Et François De Meersman d’ajouter : “Cette analyse devrait rassurer les communes. Le système des ventes de gré à gré garantit une concurrence entre scieries et les scieries locales n’achètent pas moins cher. Il semblerait qu’il y ait un décalage de quelques mois en termes de marché”. 

Le graphique suivant montre clairement que pour les lots de chêne dont les grumes ont une moyenne de 1,5 à 2,5 m³, avec quelques mois de décalage, les prix de ventes sont supérieurs de gré à gré pour les transformateurs locaux.  

Ventes de bois de gré à gré - prix du chêne sur pied 2021-2022

Légende : 

  • 2022 VGAG = les ventes de gré à gré au printemps 2022 pour des lots composés à 80 % de chêne  
  • 2021 adjudication publique = les résultats de vente des lots en adjudication publique en forêt publique wallonne (lots de + de 80% de chêne également). 

 

4 conseils de Maxime Léonet pour aider les communes à tirer le meilleur des ventes de gré à gré 

  • Demander au DNF de préparer des lots ‘typés’ sciage, ç’est-à-dire avec des bois d’une certaine taille et qualité. 
  • Faire des lots pas trop gros pour qu’ils restent accessibles à tous les acheteurs potentiels. Et qu’ils restent sous le plafond de l’estimation prévu dans l’AGW (35.000 €). 
  • Envisager ces ventes comme des quantités supplémentaires mises en vente. Non seulement cela met du beurre dans les épinards mais cela ne pénalise personne car les communes ont besoin de tous les acteurs de la filière pour assurer leur budget. 
  • Motiver les agents du DNF en dégageant davantage de moyens pour les travaux d’entretien des forêts en fonction des résultats des ventes de gré à gré 

 

* plutôt à considérer comme un appel d’offres restreint auprès des transformateurs locaux inscrits au système.

 

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