En tant que directeur des affaires publiques à la CEI-Bois (Confédération européenne de l’industrie de la transformation du bois) et l’OES (Fédération européenne des scieries), Paul Brannen est régulièrement amené à évoquer les avantages environnementaux, et donc pour le climat, de construire et de rénover davantage avec du bois. D’où l’idée d’écrire un livre sur ce sujet. Ou comment le bois peut aider à sauver le monde du dérèglement climatique. À l’occasion de la publication de ce livre, Paul Brannen a répondu à nos questions.
Pourquoi ce livre ?
Paul Brannen : « Dès le départ, mon intention était d’écrire un livre lisible et accessible pour le grand public. J’étais déterminé à ce qu’il ne s’agisse pas d’un ouvrage technique, mais plutôt d’un document destiné à un large éventail de lecteurs, y compris les étudiants universitaires qui s’investissent dans des sujets aussi variés que la sylviculture, l’agriculture, l’architecture, l’ingénierie et tout ce qui a trait au changement climatique. L’ouvrage devait également pouvoir s’adresser aux hommes politiques et aux décideurs qui travaillent sur les questions climatiques et qui n’ont que peu ou pas de connaissances sur les sujets clés abordés dans le livre. »
Pourquoi le bois n’est-il pas davantage utilisé dans la construction ?
« Le secteur de la construction est essentiellement conservateur. Nous construisons de la même manière depuis plus de 100 ans. Chaque maillon de la chaîne sait comment s’acquitter de son rôle et, surtout, c’est une activité rentable. Pourquoi dès lors changer nos habitudes ?
Il se trouve que la part du bois sur le marché de la construction et de la rénovation augmente. Mais beaucoup trop lentement pour que le bois joue pleinement son rôle potentiel en termes de décarbonisation de l’environnement bâti au cours des vingt prochaines années.
D’un côté, la plupart des clients ne demandent pas de constructions en bois. Et de l’autre, la plupart des entreprises de construction ne proposent pas non plus de constructions en bois. Il faudrait que toutes les personnes impliquées dans la construction, ainsi que les décideurs politiques et les environnementalistes, comprennent mieux qu’une augmentation significative de l’utilisation du bois dans les bâtiments représente au moins 15 % de la solution au problème de la dégradation du climat. En d’autres termes, sans une utilisation beaucoup plus importante du bois dans l’environnement bâti, nous ne pouvons pas et nous ne pourrons pas enrayer la dégradation du climat. C’est pour faire passer ce message de manière claire, attrayante et motivante que j’ai écrit ce livre. »
Quels sont les obstacles ?
« Tout d’abord, le manque de compréhension du potentiel du bois pour décarboner l’environnement bâti. Ensuite, dans la plupart des pays d’Europe, les gouvernements nationaux n’ont pas encore clairement signifié qu’il fallait arrêter de construire des bâtiments à forte empreinte carbone. La législation exigera des maisons et des bâtiments à faible empreinte carbone, c’est-à-dire à faibles niveaux d’émissions tant lors de la construction que pour le chauffage ou la climatisation pendant toute la durée de vie du bâtiment. Tant que cela ne sera pas clairement établi, le secteur de la construction continuera à être l’un des principaux émetteurs de carbone.
Si les responsables politiques hésitent encore à modifier les règles, c’est en partie parce qu’ils manquent de connaissances et en partie parce que, lorsqu’ils en ont, ils s’inquiètent de deux questions principales. Premièrement : y a-t-il suffisamment de bois durable pour envisager une utilisation accrue du matériau dans l’environnement bâti ? Deuxièmement : qu’en est-il de la déforestation et de la perte de biodiversité qui en découle ? Ces préoccupations des hommes politiques sont souvent le résultat du lobbying exercé par les milieux environnementalistes.
Mon livre s’attaque à ces deux obstacles en soulignant que la déforestation n’est pas un problème en Europe. En réalité, les forêts européennes ont bien grandi ces dernières années. Dans de nombreux pays, en particulier en Europe de l’Est, le couvert forestier a progressé et nous avons également réussi à planter davantage d’arbres dans les exploitations agricoles à travers l’Europe. La production de bois et l’augmentation de la biodiversité ne s’excluent pas mutuellement. Nous disposons de plus en plus des connaissances et des outils nécessaires pour mener les deux de front. Dans le même esprit, la disponibilité de bois durable ne pose aucun problème si une série d’actions sont mises en œuvre à l’échelle de l’Europe. Je pense notamment à une récolte plus proche de l’accroissement annuel net, à l’encouragement de la plantation, à l’évolution vers le seuil de 10 % d’arbres dans les exploitations agricoles dans un cadre agroforestier, à l’augmentation de l’efficacité des matériaux, à davantage de recyclage et de revalorisation du bois, à la surélévation en bois, à la réduction des démolitions et à l’optimisation du sciage de chaque grume. »
Quelles pistes privilégieriez-vous pour encourager l’utilisation du bois dans la construction ?
« Nous avons une très bonne histoire à raconter, mais comme pour toutes les communications, elle n’a de succès que si nous répétons notre message encore et encore. Et de manière nouvelle et différente. Au cœur de ce message se trouvent les avantages du bois pour le climat, à la fois pour remplacer des matériaux à plus forte empreinte carbone (réduction des émissions) et pour stocker le carbone (stockage des émissions dans le matériau).
Il y a aussi l’histoire parallèle des avantages pour la santé et le bien-être de vivre et de travailler dans des bâtiments en bois. Dans ce domaine, les preuves scientifiques ne sont pas aussi complètes que pour les bienfaits climatiques, mais elles sont de plus en plus nombreuses et nous devons commencer à utiliser davantage cet argument.
Nous devrions également parler des possibilités offertes par le bois pour construire en surélévation des bâtiments existants, en particulier dans nos centres-villes où la demande de logements et les prix des terrains sont élevés. En raison de sa légèreté relative par rapport au béton et à l’acier, le bois est le matériau idéal pour les surélévations.
En outre, nous devrions soutenir la construction d’un plus grand nombre de bâtiments hybrides, en particulier en ce qui concerne les bâtiments de grande hauteur. Les fondations et le tiers inférieur d’un immeuble de vingt étages construits en béton et en acier et les deux tiers supérieurs construits en bois d’ingénierie constituent une bien meilleure option climatique que le béton et l’acier à 100 %. Cette approche peut être plus attrayante pour le secteur conservateur de la construction, c’est-à-dire que nous ne leur demandons pas de cesser d’utiliser les matériaux qu’ils connaissent bien, mais plutôt d’en ajouter un autre. L’expérience nous montre qu’après deux ans de travail avec le bois, la plupart des gens du secteur de la construction deviennent des convertis. Utilisons donc les constructions hybrides comme un tremplin vers le bois majoritaire. »
Auriez-vous un message pour les professionnels de la filière forêt-bois ?
« Vous devez vous surpasser ! Nous n’avons jamais eu autant d’occasions d’étendre le déploiement du bois dans l’environnement bâti. Mais cela ne se fera pas sans un travail acharné et un plaidoyer de qualité. N’oubliez pas que ceux qui produisent les matériaux que nous espérons voir remplacés par nos produits en bois n’ont pas renoncé à leur lobbying, à leur publicité et à leur travail médiatique ! En fait, ils se défendent avec acharnement et souvent de manière très agressive.
Nous devons passer à la vitesse supérieure et rapidement. Si nous obtenons la percée que nous souhaitons, nous devrons disposer de suffisamment de produits à base de bois pour répondre à des niveaux de demande beaucoup plus importants. Par exemple, les isolants en fibres de bois représentent moins de 5 % du marché de l’UE. Nous devrions aspirer à au moins 50 %. Sommes-nous en mesure de réaliser une telle augmentation ? Pas actuellement, mais nous devons nous préparer. Et si nous, au sein de la filière forêt-bois, n’avons pas de plan pour passer à l’échelle supérieure, pourquoi les politiciens devraient-ils s’intéresser à nous ?
Enfin, vous n’êtes peut-être pas entré dans la filière avec l’intention de devenir un champion du climat, mais le destin vous a imposé ce rôle et il s’avère que vous faites partie de l’équipe mondiale qui peut apporter au moins 15 % de la solution au changement climatique. Quelle belle histoire à raconter à vos petits-enfants ! »
Plus d’infos sur le livre de Paul Brannen
Timber! (éditions Agendapublishing, ISBN : 9781788217354)
https://www.agendapub.com/page/detail/timber/?k=9781788217354
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