La forêt de demain dépend aussi de la qualité des travaux forestiers

Souvent peu visibles, les entrepreneurs de travaux forestiers jouent pourtant un rôle capital pour l’avenir de nos forêts. Leur savoir-faire et leur expérience constituent des atouts au service des propriétaires forestiers, également pour des travaux plus spécifiques et nécessitant des compétences plus particulières tels que l’entretien des régénérations naturelles ou des enrichissements ponctuels. 

Fin mai, la SRFB, la Confédération Belge du Bois et l’Union des Entrepreneurs de Travaux Forestiers de Wallonie (UETFW) ont uni leurs forces pour proposer une journée « Travaux forestiers de qualité » à destination des propriétaires forestiers.  

« L’objectif était notamment de montrer tout le savoir-faire des entrepreneurs de l’UETFW et en particulier dans des travaux plus fins dans lesquels on ne les attend pas forcément. Je pense notamment à l’entretien des régénérations naturelles et aux enrichissements ponctuels qui demandent une technicité et une connaissance pointue du milieu forestier », explique Nicolas Dassonville, responsable Formation, reboisement & Trees for Future au sein de la SRFB. 

 

Evolution des pratiques des travaux forestiers

Face aux changements climatiques et à la montée en puissance des incertitudes liées à la gestion des forêts, de nombreux propriétaires forestiers s’interrogent. Les pratiques du passé ne garantissent plus nécessairement des résultats à hauteur des attentes. Mais dans ce contexte, quelles essences planter ? Comment optimiser les reprises ? Quelles interventions prévoir à quel moment pour un meilleur rendement ? Autant de questions auxquelles les entrepreneurs de travaux forestiers sont confrontés au quotidien. Forts de leur expérience, du suivi de chantiers extrêmement variés, de leurs observations de terrain et échanges entre collègues, les entrepreneurs de travaux forestiers ont eux aussi fait évoluer leurs pratiques. 

Avec des printemps et des étés de plus en plus chauds et secs, de nouvelles méthodes de plantations émergent. Les bonnes pratiques évoluent. Selon les conditions, planter comme jadis peut exposer un propriétaire à de piètres reprises. C’est pourquoi l’UETFW, sous la coupole de la Confédération Belge du Bois, organise régulièrement des excursions et journées de rencontre à destination de ses membres afin de favoriser les échanges de bonnes pratiques.  

L’une des difficultés de la profession est qu’une mauvaise plantation est rarement visible directement. Si les racines ne sont pas plantées dans les règles de l’art, ce n’est que quelques années plus tard que les dégâts seront visibles. Un travail de plantation trop rapidement réalisé et donc souvent trop bon marché peut donc parfois coûter très cher au bout du compte au regard des résultats obtenus… 

bêche de Neheim

bêche de Neheim

 

De nouvelles compétences

L’évolution des approches bouleversera inévitablement aussi les habitudes dans le chef des propriétaires et gestionnaires forestiers. A titre d’exemple, le développement de la régénération naturelle engendre de nouvelles méthodes de travail, avec des travaux plus ciblés, moins lourds mais nécessitant des interventions plus régulières. On pense notamment à des enrichissements de trouées non régénérées naturellement, à des diversifications des régénérations acquises, des dépressages et/ou des nettoiements plus réguliers, des dépressages et/ou nettoiements plus lourds de régénérations naturelles non entretenues… Ces pratiques impliquent de nouvelles compétences dans des domaines dans lesquels les entrepreneurs peuvent apporter une réelle plus-value. 

En matière de plantation, des questions se posent quant à des méthodes alternatives de plantation à la houe-hâche. De nombreux entrepreneurs de travaux forestiers membres de l’UETFW sont convaincus que les taux de reprise des plantations à la tarière ou à la bêche de Neheim sont nettement supérieurs en ces périodes printanières plus sèches et chaudes. Pour eux, le coût supplémentaire de ce type de plantation serait rapidement rentabilisé si l’on tient compte des coûts connexes liés aux regarnissages devenus indispensables ces dernières années avec les méthodes traditionnelles. La Confédération Belge du Bois et la Société Royale Forestière Belge avaient d’ailleurs introduit une demande de subside pour vérifier ces hypothèses sur le terrain mais l’étude proposée n’a malheureusement pas été retenue… 

Quelques bons plans

  1. Travailler en régie 

Si les entrepreneurs de travaux forestiers peuvent réaliser des plantations standard, en plein, de manière traditionnelle, on leur demande de plus en plus des plantations diversifiées, de différentes essences et même parfois de manière plus ciblée, en enrichissements ponctuels. De même, les travaux de dégagements, de dépressages et de nettoiement peuvent être plus ciblés en fonction du développement de la végétation concurrente. En conséquence, les travaux deviennent de plus en plus spécifiques ou évoluent en cours de chantier. Dans l’intérêt du propriétaire comme de l’entrepreneur, il est préférable de travailler à l’heure plutôt qu’au forfait pour ces travaux. Autre avantage de cette approche, en fonction du résultat sur le terrain des premiers dégagements, le propriétaire/gestionnaire peut demander de modifier l’intensité et les modalités de travail en cours de chantier. 

  1. Prévoir les dégagements dans le contrat de plantation 

Lors de la conclusion du contrat de plantation, nous encourageons vivement d’y intégrer les dégagements. Cela présente plusieurs avantages pour les deux parties. C’est un moyen pour le propriétaire de s’assurer que l’entrepreneur pourra déjà tenir compte de ces travaux dans son planning et intervenir à temps. Par ailleurs, le fait d’intervenir à temps permet de limiter considérablement le coût des dégagements pour les propriétaires car la végétation ne se sera pas encore trop développée. Les interventions trop tardives font exploser les coûts et c’est malheureusement souvent le cas lorsque les travaux ne sont pas suffisamment anticipés en concertation avec les entrepreneurs. 

  1. Ne pas dégager en plein 

Les conditions climatiques engendrent de plus en plus de difficultés de reprises. En matière de dégagements, il est de plus en plus régulièrement préconisé de ne pas dégager en plein pour maintenir une ambiance plus forestière et ainsi protéger les plants contre les rayons du soleil, d’une part, et contre la dent du gibier, d’autre part. Un dégagement plus ciblé permet également de maintenir la régénération naturelle dans les plantations.   

2 questions à Nicolas Dassonville (SRFB)

Qu’attendiez-vous de cette journée ?

Vu les évolutions récentes de la sylviculture avec des interventions plus raisonnées et plus ciblées, il me semblait important que les propriétaires prennent conscience que les entrepreneurs ont la capacité et la technicité nécessaires pour réaliser ce type de travaux. Cette prise de conscience est indispensable pour conforter les propriétaires forestiers dans leur choix de s’engager dans une sylviculture alternative à la plantation en plein gérée en futaie équienne dont les contours sont parfaitement connus et rassurant pour aller vers des forêts plus mélangées en essences et en âges plus difficile à appréhender, surtout pour un forestier non professionnel. Il me semblait aussi important que les entrepreneurs et gestionnaires présents puissent entendre les inquiétudes et réticences des propriétaires et y répondre. Je voulais aussi que des parcelles travaillées de manière ciblée puissent être montrées aux propriétaires pour que ces derniers se rendent compte de ce à quoi ressemble une telle parcelle après travaux. Le rendu pouvant être perçu comme moins ‘propre’ qu’un dégagement systématique, il est important que le propriétaire calibre sa perception du travail ‘bien fait’.

Quels enseignements en tirez-vous ?

Les entrepreneurs qui ont animé la journée sont des forestiers animés d’une grande passion. Ils ont été capables de remettre en cause leurs pratiques anciennes et de se former aux techniques de plantation et de diversification les plus à même d’assurer la plus grande résilience des parcelles forestières des prochaines décennies. Ils ont également fait preuve d’une grande pédagogie pour expliquer le bienfondé des techniques montrées. La journée a suscité un grand enthousiasme auprès des participants qui ont insisté pour que ce type de rencontres entre forestiers professionnels et non professionnels soit réitéré à l’avenir.

 

Bon à savoir 

 

Cet article est également paru dans le magazine Silva Belgica de la Société Royale Forestière de Belgique n°5 2023